Des codes de conduite pour les communautés du libre

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Coraline Ada Ehmke, 2018. (CC BY-SA 4.0)

Les communautés consacrées aux logiciels libres sont animées d’une noble intention : travailler ensemble sur Internet pour concevoir des outils utiles à tous. Cependant, l’hostilité et les préjugés s’épanouissent souvent dans les communautés où les contributeurs qui adoptent des comportements non inclusifs ne sont pas sanctionnés.

Les environnements toxiques ont découragé de nombreux développeurs et développeuses de talent d’apporter des améliorations pourtant nécessaires à des projets en ligne, même aux plus importants pour le Web.

Ce facteur contribue au fait que le mouvement du logiciel libre compte seulement 3 % de contributrices, face à une majorité d’hommes blancs. Pour la santé de l’Internet, un tel manque de diversité constitue un signe inquiétant. Aujourd’hui, les logiciels libres sont omniprésents, ce qui signifie qu’un groupe très homogène de personnes contrôle des logiciels utilisés à travers le monde au quotidien.

Dans la lutte pour l’inclusion et pour des communautés plus saines, les codes de conduite se sont imposés comme l’un des outils de changement les plus importants (mais parfois controversés). Ils sont particulièrement appréciés par les groupes largement minoritaires dans cet environnement, y compris les femmes, qui les emploient comme instrument d’autonomisation pour dénoncer les comportements inadéquats.

Aujourd’hui, Apache, Google, Microsoft, Mozilla et WordPress ont tous adopté des codes de conduite pour leurs projets libres. Les communautés établies, y compris celles dont les fondateurs adoptent des manières de communiquer controversées, comme Linus Torvalds de Linux, ont été tenues, les unes après les autres, d’écouter leurs membres qui demandaient de mettre fin aux échanges grossiers et agressifs.

« Les codes de conduite sont essentiels pour les communautés du libre », explique Coraline Ada Ehmke, développeuse, défenseuse des logiciels libres et auteure du Contributor Covenant, un code de conduite adopté par des milliers de projets en cinq ans seulement.

« Un code de conduite traduit les valeurs d’une communauté », indique-t-elle.

Parmi les valeurs fondamentales figurent le soutien à un environnement ouvert et accueillant pour tous : « quel que soit l’âge, la taille, le handicap, l’identité de genre et son expression, le niveau d’expérience, l’éducation, le statut socioéconomique, la nationalité, l’apparence personnelle, l’origine ethnique, la religion ou l’identité et l’orientation sexuelles », comme mentionné dans la Charte de conduite des contributeurs.

Rien de cela ne semble pouvoir prêter à controverse. Cependant, régulièrement, des contributeurs s’inquiètent, voire se fâchent lors de l’introduction de nouvelles règles et procédures qui interdisent  le langage et les comportements auxquels ils sont habitués et qu’ils ne considèrent peut-être pas blessants.

« Il existe des bonnes pratiques relatives à la rédaction de documentation ou au partage d’idées avec un groupe de personnes, possiblement inconnues, à suivre pour ne pas offenser les autres », explique Jory Burson, consultant et pédagogue qui aide les communautés du logiciel libre à bâtir une culture saine.

Emma Irwin, spécialiste des projets et des communautés du libre chez Mozilla, affirme qu’un code de conduite s’avère efficace uniquement s’il est appliqué. « La confiance vient de la mise en œuvre. La stabilité passe par la garantie de l’application. Disposer d’un code de conduite et ne pas le faire respecter peut en fait causer plus de torts » indique-t-elle. 

Les limites d’une telle application sont encore en cours d’expérimentation, à mesure que les communautés cherchent comment offrir un environnement qui favorise l’égalité et la diversité. Par exemple, l’expulsion d’une communauté devrait-elle conduire à l’expulsion d’une autre ?

Au départ, les codes de conduite ont été introduits à l’occasion de conférences et d’événements publics afin d’éviter les désaccords, qui allaient des questions techniques aux questions personnelles.

En 2014, après s’être engagée à ne participer qu’à des conférences qui appliquaient de telles chartes, Coraline Ada Ehmke a commencé à envisager une approche similaire pour les communautés en ligne.

« J’ai réfléchi à des moyens de faire avancer la cause de l’inclusivité au sein de la communauté technologique au sens large, se rappelle-t-elle. Ma solide expérience dans le mouvement du libre m’avait démontré que ces communautés d’éditeurs et de contributeurs nécessitaient également un contrat social pour formuler et faire respecter les valeurs communautaires en faveur d’une plus grande diversité et d’un meilleur accueil de tout type de personnes, en particulier celles traditionnellement sous-représentées dans le secteur technologique.

Voilà comment le Contributor Covenant est né. »

« Au cours des sept ou huit dernières années, dans la pratique, le besoin d’un code de conduite pour les événements s’est étendu à l’espace numérique, conclut Jory Burson. C’est un très bon développement. »

 

Comment les membres d’une communauté peuvent-ils contribuer au mieux à l’application d’un code de conduite ?

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